dimanche 1 juillet 2018

Fernando Pessoa : Mon nom est… personne !

© William Alcyon – 01.07.2018

 














Fernando Antonio Nogueira Pessoa était un écrivain et poète portugais (1888-1935).

Pessoa, traduit du portugais, signifie : « personne », nom prédestiné pour un écrivain ayant vécu pratiquement anonymement, s’étant « caché » derrière une multitude de pseudonymes, comme autant d’auteurs différents.

Fernando Pessoa n’a que 5 ans à la mort de son père. Sa mère épouse en deuxième noce le Consul du Portugal à Durban, et part pour l’Afrique du Sud avec son fils qui apprendra l’anglais (langue dans laquelle il écrira certains poèmes).

En 1905, âgé de 17 ans, Pessoa rentre au Portugal, à Lisbonne, SA ville, qu’il ne quittera pratiquement plus jusqu’à sa mort.

En 1907, il ouvre un atelier de typographie qui se soldera par un échec.

En 1908, il est engagé comme traducteur pour diverses entreprises commerciales. Ce travail constituera sa principale source de revenu, ne parvenant pas, malgré son talent, à vivre de sa plume.

*

Fait rare dans l’histoire de la littérature, celui qui est aujourd’hui le plus connu, voire le plus grand, écrivain portugais du 20ème siècle, a écrit sous une multitude de noms de plume différents (Plus de 70).

Quatre resteront véritablement célèbres : Alberto CAEIRO ; Ricardo REIS ; Alvaro de CAMPOS et Bernardo SOARES.

Ces hétéronymes (car ils possèdent chacun une vie propre imaginaire et surtout un style littéraire unique qui les définit) permettront à Pessoa d’écrire dans différents styles plusieurs voies littéraires aussi singulières que variées, allant de la poésie, la prose, la critique, le guide de voyage, etc.

Cela détermine le côté exceptionnel de Fernando Pessoa qui aura poussé jusqu’à l’extrême sa vision de la « production » littéraire en créant les auteurs de ses écrits (allant jusqu’à leur inventer une biographie détaillée) et pas seulement ses personnages comme la plupart de ses confrères. Une fragmentation qui permettra à Pessoa de « vivre » des incarnations d’auteurs aussi hétéroclites qu’originales.

Ainsi, Fernando Pessoa possède cette singularité qui consiste à CRÉER un auteur, un double ayant la capacité nécessaire – parce que doté d’une sensibilité autre - à la création artistique chaque fois unique et différente.

Toute sa vie, l’auteur discret ne cessera d’écrire, le soir, après le bureau, et jusque tard dans la nuit. Pourtant, il ne sera publié – de son vivant – que dans quelques rares revues littéraires, à l’exception de son recueil de poèmes « Messagem », qui sera publié seulement un an avant sa mort.

Ce n’est qu’après sa mort, que l’on découvrira 27543 textes enfouis dans une malle. Tous ses manuscrits seront « récupérés » par la Bibliothèque nationale de Lisbonne.

De tous ses écrits, le « Livre de l’intranquillité », publié en 1982, rédigé sous l’hétéronyme de Bernardo Soares, est pour moi le plus étonnant. Sous ce nom, il écrit en prose somptueuse ses pensées les plus profondes, parfois teintées d’un certain désespoir mais aussi d’une grande lucidité. Soares est l’alter-égo dépressif, vivant à Lisbonne (reflétant les véritables tendances dépressives de Pessoa) à travers une approche existentialiste.

Ainsi, cet énigmatique poète portugais, qui cachait son talent derrière la silhouette d’un modeste employé de bureau à lunettes rondes, nœud papillon, chapeau et costume sombre, aura laissé une œuvre et une façon d’appréhender la littérature, dont on débat encore aujourd’hui.




« Je dépose mon âme à l’extérieur de moi », avait dit le poète, qui s’était imposé comme devise de « tout sentir, de toutes les manières ». 

J’en viens (je ne suis certainement pas le seul) à me demander si ce besoin irrésistible de multiplier ses hétéronymes, auteurs autonomes, ne serait que la réponse de Pessoa à cette course effrénée vers un état limite d’autosuffisance, condition indispensable au bonheur, un bonheur qui ne pourrait être qu’ailleurs.

*


Quelques citations marquantes de Fernando Pessoa :

« Nous n’aimons jamais vraiment quelqu’un. Nous aimons uniquement l’idée que nous nous faisons de ce quelqu’un. Ce que nous aimons, c’est un concept forgé par nous – et en fin de compte, c’est nous-mêmes. »

« La solitude me désespère ; la compagnie des autres me pèse. »

« La vie se ramène pour nous à ce que nous pouvons en concevoir. Aux yeux du paysan, pour lequel son champ est tout au monde, ce champ est un empire. Aux yeux de César, pour qui son empire est encore peu de chose, cet empire n’est qu’un champ. Le pauvre possède un empire ; le puissant possède un champ. En fait, nous ne possédons jamais que nos impressions ; c’est donc sur elles, et non sur ce qu’elles perçoivent, que nous devons fonder la réalité de notre existence. »

« L’art consiste à faire éprouver aux autres ce que nous éprouvons. […] L’art consiste à communiquer aux autres notre identité profonde avec eux, identité sans laquelle il n’y a ni moyen de communiquer, ni besoin de le faire. »

« La littérature est la preuve que la vie ne suffit pas. »

« Quel autre serais-je aujourd’hui, si l’on m’avait donné cette tendresse qui vient du fond du ventre, et qui monte jusqu’aux baisers posés sur un petit visage ? »

« Parfois je songe, avec une volupté triste, que si un jour, dans un avenir auquel je n’appartiendrai plus, ces pages que j’écris connaissent les louanges, j’aurai enfin quelqu’un qui me « comprenne », une vraie famille où je puisse naître et être aimé. Mais, bien loin d’y naître, je serai mort depuis longtemps. Je ne serai compris qu’en effigie, quand l’affection ne pourra plus compenser la désaffection que j’ai seule rencontrée de mon vivant. »



Et pour finir, un poème :



Notre vie est un voyage

Dans la nuit et dans le vent

Nous trouvons notre passage

À travers espace et temps

Rien jamais ne nous arrête

Et du soir jusqu’au matin

Chaque nuit est une fête

Et non pas un songe vain





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